saintcrepinderichemont

RICHEMONT : LE CHATEAU D'UN SINGULIER ABBÉ

RICHEMONT : LE CHATEAU D'UN SINGULIER ABBÉ

 

Pierre de Bourdeille – le Brantôme de la littérature – a laissé de savoureuses chroniques sur ses contemporains, mais aussi un château où il repose depuis 393 ans.

 

 

 

   

 

C'est à Saint-Crépin , au nord de Brantôme, que Pierre de Bourdeille a construit son château de Richemont.

 Les Sansac de Traversay, qui ont du sang de l'illustre mémorialiste dans les veines, le font visiter depuis 1927.

« D'année en année, la fréquentation s'accroît » déclarent les actuels propriétaires.       « on enregistre jusqu'à trente entrées par jour, en juillet et en août. » On est loin ici de l'affluence record que connaît Lascaux II. Raison de plus pour découvrir en  toute tranquillité le manoir de l'auteur des « Dames Galantes. »

 

 

 

Depuis St Crépin de Richemont -210 âmes en hiver- une route, qu'il faut mieux ne pas gravir à bicyclette si l'on n'a pas les jarrets d'un Laurent Jalabert, mène sur les hauteurs boisées de la rive Est du Boulou.

Au sommet de la côte, une longue allée bordée de fayards conduit au château.

 

Quelques pas sous une voûte végétale ; et l'on pénètre dans la cour d'honneur de l'édifice, une construction harmonieuse que les Sansac de Traversay ont à cœur de faire apprécier. ces attentions doivent, d'outre-tombe, combler d'aise Brantôme, lui qui souhaitait par-dessus tout que sa demeure reste propriété des descendants d'une des plus anciennes familles du Périgord.

 

« Je seroi bien mary si estan là haut ou Dieu fera la grâce de m'y recevoir s'il lui plait je visse que ceste belle maison et chasteau que j'ay fait bastir avecques si grand travail eut changé de main et tombée en une estrangère ».

« Le château est d'un plan très simple expliquent les guides, deux ailes en équerre qui s'accolent à une tour d'angle. Sa construction a duré longtemps : de 1564 à 1581 pour le gros œuvre ; mais en 1610 on achevait tout juste la chapelle »

 

          

 

  

 

 

                      UNE VIE BIEN REMPLIE

 

A Richemont, Pierre de Bourdeille,  familier de bien des têtes couronnées de l' Europe de son temps, a dicté à son secrétaire Mathaut  « Les Dames Illustres », « Les grands Capitaines », « Discours sur les duels », «  Discours sur les couronnels », « Rodomontades espaignolles » et « Les Dames Galantes » : une œuvre publiée bien après sa mort par un éditeur avisé de Leyde en Hollande.

 

  

  

Il est vrai que l'illustre abbé commendataire de Brantôme avait beaucoup à dire et que son existence tumultueuse fournissait amplement matière à chroniques gaillardes et piquantes.

Né en 1538, c'est au château de La Tour Blanche, où son père François avait épousé Anne de Vivonne, en 1518, qu'il mouilla ses premiers langes. 3e fils de la famille, il est naturellement promis à l'état ecclésiastique. Mais la vie religieuse ne le passionne guère et il préfère courir le monde, mi-soldat, mi-aventurier.

On le voit en Italie, il accompagne Marie Stuart en route vers son exil écossais en 1561, il séjourne quelque temps à la cour de Charles IX, puis met son épée au service de François de Guise contre les protestants…Engagé dans l'armée espagnole en 1564, il combat au Maroc et au Portugal. En 1566, la croisade contre les Turcs le conduit à Malte…

Des états de service dont il pouvait légitimement se prévaloir pour obtenir du roi Henri III, à l mort de son frère aîné, le titre et la charge de Sénéchal du périgord. Mais le monarque en ayant décidé autrement, Brantôme remâchant sa rancœur, s'exile intérieurement dans la « Venise du Périgord » et dans son château en voie d'achèvement. Au reste en 1584, « un méchant cheval lui brise et fracasse tous les reins le laissant estropié et perclus de ses membres ». Ailes rognées et espoirs déçus, il se consacre à la gestion de son abbaye à la tête de laquelle il a été nommé en 1558 par Henri II.

Quand la nuit du 4 au 5 juillet 1614, Pierre de Bourdeille, quasi octogénaire, s'éteint, c'est dans sa demeure de Richemont qu'il se fait enterrer.

Prévoyant, il avait, dans la tour d'angle, fait aménager une chapelle funéraire ornée de macabres crânes, tibias et fémurs entrecroisés. Des peintures murales sont aujourd'hui disparues, mais demeure fixée à un mur, l'épitaphe en bronze du maître des lieux. Un texte rédigé par ses soins , on n'est jamais assez prudent, qui s'achève par cette phrase « Il n'a jamais eu de repos et contentement en ce monde aussi une âme généreuse n'en pouvait avoir que dans le ciel ».

 

UN CHATEAU INACHEVE

 

      

 

 

Depuis 389 ans, son corps repose dans le caveau construit dans la chapelle qu'éclaire faiblement une étroite fenêtre. Dehors, le soleil baigne les logis et la tour qui, après la Révolution, a servi de relais pour le télégraphe Chappe.

Au pied de la tour, couronnée de mâchicoulis et couverte d'ardoises d'Alassac, s'étend le jardin ; quelques arpents de terre où Pierre de Bourdeille cultivait des melons qu'il offrait à ses amis et à ses proches, tel Pierre de Mareuil, auquel il succéda aux « commandes » de l'abbaye de Brantôme.

 L'abbé rêvait sans doute d'un château plus important, et il semble bien qu'il ait projeté la construction d'une 3e aile. En période de sécheresse, sous le gazon de la cour, apparaît, à la faveur des différences de coloration de l'herbage, le tracé des fondations de bâtiments qui ne virent jamais le jour .

Malgré tout, faiblement remanié au XVII et XVIIIe siècles – des ailes rallongées, des ouvertures modifiées, une terrasse à balustres ajoutée…- Richemont, perché sur sa colline sauvage « où l'air est beau, bon et salutaire » demeure un intéressant monument qui tient de la fin de la Renaissance et annonce déjà le classicisme.

Un château qui en évoque irrésistiblement un autre… moins par son architecture que par la qualité de son occupant ; celui de Saint-Michel de Montaigne, aux frontières de la Gironde.

 

                                                                                                Ch.CARCAUZON

 

       

 

 

 

 

EPITAPHE DE PIERRE DE BOURDEILLE

 

 


Passant, si tu es curieux de scavoir qui gist en ceste chappelle, cest le corps de Messire pierre de Bourdeilles en son vivant Chevalier gentil-homme ordinaire de la chambre des Roys charles IX & Henry III Chambellan de Monsieur le Duc d'Alençon leur Frere & Pansionnaire desditz Roys de la somme de deux mille livres par an, Seigneur et Baron de Richemont de S Crespin, la Chappelle Montmoreau & Conseigneur Usufructuaire de Brantosme issu du coste paternel de la tres-noble & anticque race de Bourdeilles renommee dez le temps de Charlemagne, comme les histoires anciennes et vieux romans tant Francois Italiens qu'espagnols & tiltres vieux et anticques monuments de la maison le tesmoignent de pere en filz iusques à aujourd'huy et du costé Maternel de ceste grande & illustre race de Vivonne et de Bretaigne. Il fist son premier apprentissage aux armes soubz ce grand Capitaine Monsieur Francois De l'orraine Duc de Guyse & eust soubz sa charge deux compagnees de gens de pied, & ne degenera en rien de la vertu de ses ancestres, mais se trouvast en plusieurs guerres et combats hazardeux tant en France qu'en pays estrangers : mesme le Roy de Portugal Dom Sebastien honnorant sa valeur au retour de la conqueste de la ville de Belys & son Pignon en Barbarie le fist Chevalier, de son Ordre appelle L'habito de Christo et nonobstant toutes ces grandeurs il n'a jamais eu de repos & contentement en ce monde, aussi une ame genereuse N'en pouvait avoir que dans le Ciel

 

Il deceda le cincquiesme Iuillet

L'an Mil Six Cens 14

Prie dieu pour luy.




14/01/2007
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 12 autres membres